Nous sommes le 19 avril 2001 à Anfield. Liverpool reçoit Barcelone pour la demi-finale retour de la Coupe UEFA. À l’aller, au Camp Nou, les deux équipes s’étaient quittées sur un score nul et vierge. Mené par Pep Guardiola, Luis Enrique et Emmanuel Petit, le Barça se fait sortir par le Liverpool de Gérard Houiller composé de Jamie Carragher, Michael Owen et le jeune milieu de terrain Steven Gerrard. Retour sur une époque où Pep Guardiola, Luis Enrique, Phillip Cocu et Steven Gerrard n’étaient pas encore entraîneurs…

De Bucarest à Porto, en passant par Rome

La saison 2000-2001 est la troisième saison de Gérard Houiller sur le banc de Liverpool. Une défense de fer menée par Jamie Carragher et Sami Hyypia, un milieu de terrain Vladimir Smicer (les Corons s’en souviennent encore…) Steven Gerrard, le tout guidé par le métronome Gary McAllister, arrivé de Coventry. Rajoutez à tout ce beau monde Michael Owen et vous avez le cocktail magique qui fera vibrer Anfield durant cette saison légendaire.

Le premier tour ne fut pas une partie de plaisir pour Liverpool. Opposés au Rapid Bucarest, les Reds gagnent 1-0 en Roumanie grâce à une réalisation de Nick Barmby. L’Anglais est devenu durant l’été 2000 le premier Toffees à rejoindre Liverpool depuis plus de 40 ans. Le deuxième tour est bien plus aisé pour les hommes de Gérard Houiller qui éliminent les Tchèques du FC Slovan Liberec (1-0 à l’aller et 3-2 au retour). Au tour suivant, les champions de Grèce, l’Olympiakos, se dressent sur la route de Steven Gerrard. Dans une ambiance survoltée, les Reds concèdent le match nul (2-2) à l’extérieur. L’attaquant grec Alexis Alexandris se distingue avec un doublé dont une superbe retournée acrobatique. Côté anglais, c’est de nouveau Nick Barmby puis Steven Gerrard qui marquent.

Après 4 saisons à Everton, Nick Barmby rejoint Liverpool en 2000. Même pas besoin de déménager.
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Cette fois, pas d’Eder sorti de nul part

En huitièmes de finale, c’est l’AS Roma qui va devoir se coller aux Reds. L’équipe italienne revient au sommet grâce à Gabriel Batistuta, Vincenzo Montella, Marco Delvecchio ou encore un certain Francesco Totti. Finaliste en 1991, les Romains, entraînés par Fabio Capello, sont en tête de Serie A et filent vers un 3ème Scudetto. Organisée en 3-5-2, la défense romaine est coupable d’une belle boulette permettant à Michael Owen d’ouvrir le score. De retour de blessure, l’attaquant anglais inscrira même un doublé, permettant à son équipe de prendre un avantage important. Au retour, l’équipe de Fabio Capello s’impose 1-0, mais c’est bien Liverpool qui file en quarts de finale et fera face au Porto de Fernando Santos. Cette fois, pas d’Eder sorti de nul part et une élimination pour les Portugais sans avoir inscrit le moindre but (0-0 puis 2-0 à Anfield). Côté Reds, c’est Danny Murphy qui ouvre le score, suivi, de nouveau, par l’inarrêtable Michael Owen. Direction le dernier carré…

Maillot mythique pour un joueur mythique.
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Au Barça, le changement c’est maintenant

De leur côté, le FC Barcelone est en plein chamboulement. La saison 2000-2001 est un véritable tournant pour le club catalan. En effet, après une saison 1999-2000 décevante, l’entraîneur Louis Van Gaal ainsi que son président Josep Nunez démissionnent. Ce dernier paye le licenciement de Johan Cruyff et les multiples divisions du staff barcelonais. C’est Joan Gaspart, l’adjoint de Nunez, qui devient président et nomme Lorenzo Serra Ferrer entraîneur. A sa disposition, des joueurs de classe mondiale comme Rivaldo, Ballon d’Or 1999, accompagné en attaque par le Néerlandais Patrick Kluivert. Le gardien se nomme Pep Reina, un nom bien connu du côté de la Mersey… En défense, le monstre Franck de Boer (membre de la génération dorée de l’Ajax vainqueur de la Ligue des Champions 1995) est accompagné par son compatriote Philip Cocu. Le latéral gauche, pur produit de la Masia, n’est autre que Carles Puyol, futur capitaine et légende du club barcelonais. Néanmoins, Puyol n’est pas encore un titulaire à part entière et doit partager sa place de titulaire avec Sergi.

Rivaldo, l’arme offensive majeure des Barcelonais depuis son arrivée en 1997.
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Au milieu de terrain, on retrouve Pep Guardiola et Luis Enrique. Autant dire que ça pue le foot dans l’entre-jeu Blaugrana. Outre Patrick Kluivert et Rivaldo, Emmanuel Petit, champion du Monde 1998, et Marc Overmars, arrivé durant l’été 2000 en provenance d’Arsenal, composent l’effectif du Barça. En résumé, une équipe de tacticiens à forte consonance néerlandaise. Mais, cette saison est surtout une saison de reconstruction, notamment après le départ de Luis Figo, parti chez l’ennemi madrilène, à la grande colère des supporters catalans.

« J’ai d’abord rappelé à Pep qu’il n’a jamais été un grand joueur. »
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Qualifié en Ligue des Champions, le Barça termine 3ème de sa poule, derrière l’AC Milan et Leeds, futur demi-finaliste de la compétition. Reversés en Coupe de l’UEFA, les hommes de Joan Gaspart font leur entrée dans la compétition en seizièmes de finale face à Bruges. L’équipe belge développe un jeu séduisant et offensif, sous la houlette de leur entraîneur norvégien Trond Sollied. Mais, les Barcelonais sont au-dessus et s’imposent en Belgique (0-2) avant d’assurer à domicile (1-1).
Au tour suivant, c’est l’AEK Athènes qui, dans le mythique Stadio Nikos Goumas, accueille le Barça. Victorieux 0-1, les Espagnols vont coller une manita au retour, grâce notamment à un triplé de Luis Enrique.

Les quarts de finale vont proposer un duel 100% espagnol. En effet, le Barça hérite d’un séduisant Celta Vigo, sur leurs talons en Liga. C’est un outsider à prendre très au sérieux pour Pep Guardiola et les siens. En effet, les Galiciens ont éliminé la Juventus Turin de Zinedine Zidane en 1999 sur le score de 4-0, avant de se faire sortir par le Racing Club de Lens. Une autre époque… Le match aller en championnat s’était terminé sur un score de parité (2-2). À l’aller, au Camp Nou, les Barcelonais sont sérieux et s’imposent 2-1 avant un match retour, cette fois-ci, plus compliqué. En effet, malgré un doublé de Rivaldo, les Blaugranas subissent beaucoup en fin de match mais tiennent bon et se qualifient malgré une défaite 3-2. Direction le dernier carré…

Un penalty libérateur

Pour ce match, Gérard Houiller aligne un 4-4-2 classique avec, en attaque, ses deux stars, Michael Owen et Emile Heskey. Robbie Fowler, Dietmar Hamann et Danny Murphy sont sur le banc.

De son côté, Ferrer met en place aussi le 4-2-3-1 sur lequel il s’appuie depuis le début de saison.  Carles Puyol est titulaire à droite, au dépens de Sergi. Emmanuel Petit est titulaire devant la défense, au côté de Guardiola, malgré ses performances en demi-teinte depuis son arrivée en Espagne, quelques mois auparavant. Le Français était même resté sur le banc lors du match aller.

Le match est rythmé et l’intensité physique est énorme. Chaque duel est une bataille, notamment entre Rivaldo et Smicer. En première mi-temps, après une perte de balle de ce dernier, le Brésilien prend sa chance à 35 mètres. Sa frappe est cadrée et il faut une claquette de Sander Westerweld pour détourner le ballon en corner.  Une tête de Smicer guère puissante sur le gardien est la seule grosse occasion à mettre sur le compte des Reds durant la première demi-heure.

Sander Westerweld : « Jouer devant 45 000 personnes à Anfield, c’est dix fois mieux que jouer devant 100 000 personnes au Camp Nou. »
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Le public anglais se lève comme un seul homme

La fin de la première mi-temps est beaucoup plus rythmée. Après un centre d’Overmars, Luis Enrique, oublié au second poteau, n’arrive pas à cadrer et sa frappe frôle le montant. Juste après, c’est le jeune Steven Gerrard qui s’illustre. A la suite d’une relance hasardeuse de Carles Puyol, l’Anglais de 20 ans récupère la balle, élimine facilement Emmanuel Petit par une feinte, à 30 mètres du but de Pep Reina. Le milieu prend appui sur Smicer qui lui remet à l’entrée de la surface. Gerrard s’introduit dans les 16 mètres barcelonais mais perd appui et s’effondre. Le public anglais se lève comme un seul homme, attendant un coup de sifflet de l’arbitre. Il n’en sera rien.

Ce duel entre Puyol et Heskey, symbole d’une première mi-temps hargneuse
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Voilà 45 minutes que le match a commencé et la mi-temps arrive. Après un superbe mouvement collectif, Steven Gerrard obtient un corner. McAllister le tire vers Hyypia, au second poteau. Mais Kluivert et De Boer se gênent dans le duel aérien et le premier a le mauvais réflexe de lever son bras et dévie le ballon. Cette fois-ci, l’arbitre tranche en faveur de Liverpool : penalty ! C’est Gary McAllister qui s’en charge. La pression sur les épaules de l’Écossais, arrivé il y a quelques mois, est énorme mais il ne bronche pas. Sa frappe dans la lucarne droite ne laisse aucune chance à Pep Reina : 1-0 pour Liverpool à la mi-temps.

La pression ? En bon Écossais qu’il est, McAllister préfère la boire… Crédit photo : Getty Images

En début de seconde mi-temps, les Anglais vont montrer que la chance est de leur côté. Emmanuel Petit lance Patrick Kluivert dans la profondeur. Westerweld anticipe et sort de ses cages. Mais, le Néerlandais loupe totalement le ballon dans son dégagement. Patrick Kluivert ne croit pas en ses chances et tarde à récupérer le cuir. Trop tard, l’occasion est passée et la boulette du gardien de Liverpool est sans conséquences. L’équipe de Gérard Houiller ne fait pas que subir et Steven Gerrard fait très mal sur le côté droit. En effet, Overmars ne défend pas beaucoup et le milieu de terrain anglais a tout le loisir de porter le ballon de nombreux mètres durant sans faire face à la moindre opposition. L’Anglais est d’ailleurs tout proche d’aggraver le score mais le natif de Whiston manque de réussite et n’arrive pas à cadrer.

Rivaldo est très bien cerné par la défense anglaise et est incapable de développer son jeu. Une fois le Brésilien cadenassé, les offensives catalanes deviennent bien plus compliquées à mettre en place. Les milieux de terrains catalans ne trouvent aucune solution du fait de la très bonne organisation de Liverpool. Malgré un dernier frisson dans le temps additionnel à cause d’un cafouillage dans la défense de Liverpool, Gérard Houiller et son équipe s’imposent et filent en finale.

Rivaldo, ici pris par Hamman et Carragher, n’a pas réussi pleinement à exploiter ses qualités techniques. Crédit photo : Getty Images

En bon anglais qu’il est, Steven Gerrard, sorti à la 80ème minute de jeu, vient chambrer Pep Guardiola. L’Espagnol, forcément déçu, ne répond pas et file tête baissée aux vestiaires.

Liverpool, de retour au sommet

La saison 2000-2001 restera sans aucun doute dans les annales de Liverpool. En effet, en finale, les hommes de Gérard Houiller affrontent le Deportivo Alavés, à Dortmund.  À l’issue d’un match à 9 buts et aux multiples rebondissements, les Reds s’imposent 5-4. Ce match, au scénario totalement fou, a vu Liverpool mener 2-0, avant que les Espagnols ne reviennent à 3-3. Robbie Fowler pense donner l’avantage décisif à son équipe. Mais Jordi Cruyff, fils de la légende catalane Johan, égalise peu avant la fin du temps réglementaire. Durant les prolongations, les Espagnols vont totalement craquer et prendre deux cartons rouges. Un but contre son camp de Delfi Geli permet à Liverpool de remporter la Coupe UEFA 2001.

Scénario cruel pour le Deportivo… Liverpool remporte sa 3ème Coupe de l’UEFA, son premier trophée européen depuis plus de 15 ans.
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Quelques jours auparavant, Liverpool avait remporté la FA Cup face à Arsenal (2-1 grâce à un doublé de Michael Owen en fin de match). En février, les Reds avaient déjà étoffé leur armoire à trophées en glanant la Carling Cup. Troisièmes de Premier League la saison 2000-2001 et vainqueur du Community Shield, Liverpool retrouve les sommets, 10 ans après le départ de la légende Kenny Dalgish et les derniers succès.

Cette saison extraordinaire permet à Michael Owen de remporter le Ballon d’Or, devenant à 22 ans l’un des plus jeunes lauréats de l’Histoire. Il est le premier Anglais à remporter la plus prestigieuse récompense individuelle depuis Kevin Keegan (1979), autre gloire de Liverpool.

En 287 matchs avec Liverpool, Michael Owen a inscrit 158 buts.
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Barcelone, victime de Thucydide

De leur côté, le Barça ne connaît pas la même trajectoire que leurs bourreaux. En effet, les Espagnols vont finir à une triste quatrième place en Liga. Cette saison s’inscrit dans une période de marasme en termes de résultats. Sixièmes la saison suivante, il faut attendre 2003 pour voir le renouveau barcelonais se mettre en place. Avec les arrivées de Johan Cruyff au poste de directeur sportif et de Frank Rijkaard sur le banc Blaugrana les Catalans retrouvent les sommets, emmenés par Ronaldinho puis par Deco et Samuel Eto’o. Par la suite, un jeune joueur nommé Lionel Messi commencera à prendre ses marques au Barça pour devenir le joueur que l’on connaît. Tout ça pour se prendre une remontada par Liverpool en 2019 et se faire chambrer par Andy Robertson. Au 5ème siècle avant Jésus-Christ, Thucydide disait que « l’histoire est un perpétuel recommencement ». 2600 ans avant tout le monde, le philosophe grec avait vu juste…

18 ans après le chambrage de Steven Gerrard sur Pep Guardiola, Andy Robertson taquine Lionel Messi.
Crédit photo : PA/Empics Sports
Matthieu Heyman

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