Entre trahisons, triple-doubles, tragédies, run en post-season et autres bad shot, Oklahoma City s’est fait une place en NBA. Le Thunder est passé en mode résurrection express cette saison, mais avant de se reconstruire, il a bien fallu se construire tout court. Loud City est encore jeune mais Loud City a déjà une âme. Une âme et un surnom hérités d’un soir d’avril 2010. Un soir de playoffs.

Juillet 2008, exit Seattle, le Thunder entre dans la Grande Ligue par la petite porte. Une porte dessinée par Clay Bennett, propriétaire clivant de la franchise et déménageur professionnel. OKC doit légitimer sa place sur la planète NBA mais possède de sérieux atouts. Nick Collison donne le biberon à Kevin Durant qui lui-même berce un jeune Brodie tout juste drafté. Une saison de chauffe et l’adoption d’un Harden imberbe plus tard, le Thunder débarque en post-season 2009-2010. Décryptage des premiers balbutiements d’OKC jusqu’à cette série du premier tour des playoffs qui va marquer au fer rouge le vrai départ de Loud City et les prémices de nombreux acouphènes pour les suiveurs de NBA.

From Seattle to OKC

Si le Thunder n’a pas beaucoup plus de dix ans, les Sonics possédaient eux une riche histoire. Un titre acquis en 1979 grâce à Lenny Wilkens et Dennis Johnson, une finale perdue face aux meilleurs Bulls de tous les temps en 96 et une salle mythique. C’est pourtant la fameuse KeyArena qui va précipiter la chute des Sonics. Après la période Payton-Kemp, la franchise n’arrive à rien sur le plan sportif et les finances vont mal. La Key est la plus petite salle de NBA et vieillit mal. Howard Schultz, propriétaire depuis 2001, ne reçoit pas d’aide de l’État de Washington pour la rénover et est contraint de vendre son équipe à Clayton Bennett en juillet 2006.

Clayton Bennett, actuel propriétaire de la franchise du Thunder.
Crédit photo : YouTube Greater Oklahoma City Chamber

Le contrat était clair, le natif d’Oklahoma City devait tout faire pour redresser les Sonics et maintenir la franchise à Seattle. Grand comédien, Bennett feint de mettre la main à la pâte et est tout heureux de voir la ville lui refuser les subventions nécessaires à l’édification d’une nouvelle enceinte. L’investisseur esquive habilement les offres de rachat alors que les propriétaires des autres franchises – hormis Cuban et Allen – voteront en faveur du déménagement de l’équipe de KD vers l’Oklahoma le 18 avril 2008. Clay Bennett finira le travail en négociant la fin du bail qui liait les Sooners à la KeyArena. Il sortira même vainqueur du procès que lui avait collé Howard Schultz, vexé d’avoir été trompé de la sorte.

Le calme avant la tempête

Oklahoma City s’empresse de dérouler le tapis rouge, elle qui avait été mise en appétit par le bref passage des New Orleans Hornets par le Ford Center alors que la New Orleans Arena avait été frappée par l’ouragan Katrina. La NBA entérine la délocalisation le 2 juillet 2008, la rénovation de la future Chesapeake débute.

Dès le 3 septembre, preuve de l’importance de la communauté à OKC, les fans choisissent couleurs, emblème et nom de leur nouvelle équipe. Ils portent leur dévolu sur « Thunder », Westbrook peut retirer sa casquette des Sonics et enfiler une tunique bleue teintée d’orange.

Westbrook, fraîchement drafté par les Sonics.
Crédit photo : YouTube NBA

L’aventure NBA débute par une défaite contre les Bucks. À jamais le premier, le légendaire Earl Watson inscrit les premiers points de l’histoire du Thunder. La suite de l’exercice 2008-2009 sera du même acabit. Seulement 23 victoires, une treizième place et un coach égaré en cours de route. Scott Brooks remplace P.J. Carlesimo qui n’aura tenu que treize rencontres. De timides résultats qui auront le mérite de permettre à Sam Presti d’exercer son hobby favori. Le GM sélectionne James Harden en troisième position de la Draft 2009.

Step up fulgurant

L’an II du Thunder n’aura rien à voir avec la saison précédente. Kevin Durant a dû prendre la foudre pendant l’été. L’ailier est le meilleur marqueur de la ligue (30.1 points), devient All-Star et figure dans la All-NBA First Team. Westbrook réalise des stats complètes, l’apport en sortie de banc du rookie Harden est réel et Ibaka est revenu d’Espagne. OKC explose son record précédent et glane 50 wins. Mieux, le Thunder valide son pass pour les playoffs à Dallas. La classe pour les hommes de Brooks, qui sera élu Coach of the Year.

Fort de sa huitième place, OKC a rendez-vous chez le champion en titre, au pays de Kobe Bryant. À Los Angeles, les jeunes d’Oklahoma subissent la loi des hermanos Kobe et Pau Gasol. La série débarque au Ford Center sur un logique 2-0. Mais s’il semblait facile de réduire ce premier tour au duel opposant la légende Bryant et le phénomène Durant, le Thunder montre déjà qu’il vaut bien plus. Certes KD, bien que chahuté par Ron Artest, score beaucoup. Cependant, derrière le numéro 35, OKC peut également compter sur l’expérience de Collison, la défense de Sefolosha et un Ibaka qui tourne le prologue de sa série « Iblocka ». L’Espagnol distribue 7 contres lors du Game 2 mais surtout, Westbrook est ultra-efficace et judicieux dans ses choix. Ces derniers mots relèvent de l’antithèse chez le RussWest actuel.

Oklahoma n’a perdu que de trois points au Game 2, malgré les 39 points du Mamba. Un motif d’espoir pour le Ford Center. Le décor est planté, l’accueil des Lakers s’annonce bouillant.

Loud City, tout simplement

En ce jour de 22 avril 2010, une étincelle va éclater et prendre de folie le public de l’enceinte d’OKC. Sur le parquet aussi, l’intensité prend d’importantes proportions. Depuis son banc, Scott Brooks a lâché un marsupial excité qui enchaîne les tomars et un Kevin Durant auteur de 29 puntos et 19 rebonds. Les deux leaders sont soutenus par un banc des grands soirs. Harden sort de sa boîte à longue-distance et Nick Collison joue avec les volts et les électrons pour équilibrer le tout (+19 au +/-). Ce cocktail déchaîne la future Cheasapeake, et alors que la rencontre délivre surprise sur surprise, l’ambiance ne retombe jamais. Un bruit assourdissant qui va rendre les Lakers sourds lorsque KD conclut un run de 8-0 en fin de troisième quart. Remontada initiée par RussWest et Harden qui ramène le Thunder à 74 partout.

Finalement, Oklahoma City prend les devants, porté par les 27 points de Westbrook. Il reste à peine une minute à jouer lorsque Craig Sager sort un petit appareil et mesure le niveau sonore : 109 décibels, record pour le Ford Center. Le journaliste déclare alors : « It’s called Loud City for a reason. » La ville bruyante est bien nommée. Victoire 101-96 pour le Thunder.

Fin de série et boule de cristal

La communauté de l’Oklahoma en redemande et la bande à Durant n’est pas avare en émotions fortes. Les Angelinos sont muselés lors de la quatrième confrontation. Personne ne marque plus que Gasol et ses 13 points alors qu’à OKC tout le monde croque, de KD à Jeff Green en passant par The Beard et le banc. Loud City gagne de 11 points, 2-2, qui peut empêcher le Thunder de rêver ?

Et bien il se trouve que Pau Gasol n’aime pas les contes de fées. Il plie le match 5 et OKC ne trouve pas d’adresse. La série retourne alors une dernière fois dans l’Oklahoma. Les allumés du Thunder jouent crânement leur chance et envoient tout le hustle possible. Pourtant Kobe fait du Kobe et les Lakers mènent la danse durant trois quart-temps. Mais à 3 minutes de l’issue du match, Westbrook place enfin OKC devant. L’exploit est là, à 0.6 secondes de la fin, le Thunder mène d’un point. Mais un dixième de seconde plus tard, Gasol met tout le monde d’accord. 95-94, Westbrook manque le dernier tir, Jeff Green fond en larmes. Les joueurs de l’Oklahoma ont la gorge nouée mais le Ford Center leur offre une ovation pleine de reconnaissance alors que Kobe en personne adoube Durant, Westbrook et leur jeune équipe.

À voir : la deuxième mi-temps de ce Game 6

Le Thunder laisse donc filer ces Lakers qui réaliseront le back-to-back. Mais cette série, ce match 6, ce Game 3 laissent présager que Loud City ne sera pas une franchise comme les autres.

Tout juste 10 ans plus tard, force est de constater que la boule de cristal disait vrai. OKC a joué les finales NBA, a poussé les Warriors de 2016 au bord du gouffre – avant que LeBron ne finisse le travail – mais a aussi perdu son trio de MVP. La décennie a exposé l’incapacité du Thunder à convertir les espoirs en victoires, pourtant, si le Ford Center est devenu la Chesapeake Energy Arena, un facteur n’a jamais changé. Loud City est restée Loud City, l’ambiance descendant des travées de la Chesapeake accompagne toujours le Thunder et ses joueurs.

Crédit photo : OKC Gov
Marius Veillerot

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