Vous pensiez avoir tout vu ? Vous aviez tort. Le 4 octobre, la FIFA a annoncé, aux côtés de l’UEFA, de la CAF et de la CONMEBOL, la tenue du mondial 2030 sur la bagatelle de trois continents et six pays (Espagne, Portugal, Maroc, Paraguay, Uruguay et Argentine). Une étape de plus vers la destruction pure et simple de la Coupe du monde telle qu’on la connaît, et qui montre bien à quel point la FIFA et ses partenaires sont détachés des enjeux de ce monde. Un monde dans lequel ils vivent aussi.
Equipes, équipes
Avec le passage à un format à 48 équipes pour le prochain Mondial (qui aura lieu dans trois pays : Etats-Unis, Canada et Mexique), la porte est désormais grande ouverte aux candidatures communes. Cela signifie une chose assez simple : l’essence même de la Coupe du monde est amenée à disparaître. Le Mondial c’est la célébration d’un pays, d’une culture (que ça plaise ou non, cf la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby en France). C’est fêter ce qui fait la singularité d’une nation et ce qui la constitue. L’organiser dans plusieurs pays, c’est la dénaturer.
Alors oui, l’argument qui est de dire qu’un format élargi permet à plus de pays de participer, et donc de permettre à certaines nations de goûter à l’expérience unique de participer à un Mondial existe. Mais que personne ne s’y fasse prendre, la FIFA n’a plus d’intentions romantiques depuis bien longtemps. En 22 éditions, 44 nations sont apparues 4 fois ou plus en Coupe du monde. Seuls 84 pays en tout y ont participé depuis 1930. Donner sa chance aux autres c’est bien beau, encore faudrait-il donner à tous les moyens de pouvoir la saisir. La seule qualification du Qatar en Coupe du monde, c’est lors de l’organisation du Mondial en décembre dernier. Drôle de façon de concevoir l’égalité des chances, surtout quand on voit les raisons qui ont mené à cette désignation du pays du Golfe comme hôte de l’événement.

Les six pays qui vont accueillir la Coupe du monde 2030 se sont déjà tous qualifiés à au moins six reprises en Coupe du monde. Mais ici, pas question d’argument portant sur l’égalité des chances et l’universalité du Mondial. Le président de la CONMEBOL, équivalent de l’UEFA en Amérique du sud, Alejandro Dominguez, a été le premier à annoncer que l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay allaient accueillir les matchs inauguraux de ce Mondial inédit. Dans son tweet, il nomme l’événement « le Mondial du Centenaire », annonçant qu’il « débute là où tout a commencé ». Un beau romantisme, qui cache des intentions bien moins nobles.
La planète attendra, l’argent non
Si l’on peut reconnaître une qualité à la FIFA, c’est de ne pas pousser son délire jusqu’au bout. Pas de savoir quand s’arrêter. En plus des milliers de personnes qui subiront les effets du réchauffement climatique, qui sera accru par la tenue d’une telle folie, la FIFA a déjà fait une victime collatérale : le Chili. Le pays de la cordillère des Andes avait en effet déposé une candidature commune avec les trois autres pays sud-américains, mais a été éjecté du projet par l’instance internationale du football. Une décision étonnante qui n’a toujours pas fourni ses explications. Mais plutôt que de prendre position clairement contre cette aberration écologique, le président du Chili Gabriel Boric, qui se veut représenter une gauche écologiste, a préféré prendre des mesures juridiques pour faire valoir les droits de son pays. Refuser que le nom de son pays soit sali est une chose, mais lorsque la planète sera devenue invivable, cela n’aura plus grande importance.
Éclater l’événement sur plusieurs pays a un avantage, ce sont les retombées économiques qui vont toucher plusieurs territoires, certains plus en nécessité que d’autres. Mais si ce phénomène se produit, c’est à la fois dû au nouveau format scandaleux de la Coupe du monde, mais aussi aux nouvelles contraintes qui vont avec. Pour la Coupe du monde 2030, le cahier des charges nécessite de posséder au moins 14 stades, dont la capacité est de minimum (!) 40.000 places. Une contrainte qui oblige les pays qui veulent accueillir la plus prestigieuse des compétitions internationales à s’associer à d’autres nations s’ils veulent avoir une chance. Et qui dit compétition élargie et nouvelles contraintes dit plus d’équipes, plus de supporters et donc plus d’argent généré, à la fois pour les fédérations, mais aussi pour les pays et surtout la FIFA. Pour une organisation à but non lucratif (7 milliards d’euros de chiffre d’affaires entre 2019-2022), l’intention est plus que curieuse.

D’années en années, la FIFA détruit un peu plus ce magnifique sport qu’est le football, dépassant nos cauchemars les plus fous. Cette Coupe du monde 2030 est dans la parfaite lignée de toutes les mauvaises décisions prises par la FIFA depuis maintenant plus d’une décennie (cf la CDM organisée en Russie, pays qui respecte les droits de l’homme à sa manière). L’attribution de l’événement à la Russie puis au Qatar ont ouvert la voie à toutes les dérives. La Coupe du monde 2026 sera la première à 48 pays, la première organisée dans plusieurs pays, la première attribuée à la suite d’un vote de toutes les fédérations affiliées à la FIFA. Cette manière de voter, réitérée cette année pour l’édition 2030, prouve une chose : tous les acteurs majeurs du football mondial vont dans la direction de sa tête pensante qu’est la FIFA. Personne ne s’oppose à la vision du football que Gianni Infantino est en train d’imposer à tous depuis 2016, personne ne s’oppose à la bombe écologique que va être la Coupe du monde 2030, personne ne s’oppose à la destruction du football tel qu’on le connaît. Avec, en ligne de mire, l’organisation de la Coupe du monde 2034, pour laquelle l’Arabie Saoudite est donnée favorite. Qu’elle ait lieu en été ou en hiver n’aura plus d’importance si les températures continuent d’augmenter au rythme actuel. En fin de compte, le football tel qu’il existe est amené à disparaître, et au vu de ce qu’il devient, se demander si ce n’est pas une bonne chose semble loin d’être complètement fou.






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