Pour cette 52e édition du Masters de Bercy, Ugo Humbert est le seul Français à s’être qualifié pour le deuxième tour. C’est le pire bilan pour les Tricolores depuis la création du tournoi en 1986. En 2018 aussi, aucun Français n’avait atteint les huitièmes de finale, alors qu’ils étaient trois au deuxième tour. Et pourtant, nous allons voir pourquoi cette édition 2023 n’est pas nécessairement un échec pour le tennis français.

Dans un monde où la statistique fait loi, suite à l’élimination d’Ugo Humbert après sa défaite contre Alexander Zverev (6-4, 6-7, 7-6), numéro neuf mondial, tous les médias français ont brandi une stat qui fait mal : pour la deuxième fois après l’édition 2018, aucun Français n’atteint les huitièmes de finale à Bercy.

Un contexte défavorable

Ça peut sembler étrange à dire, mais une grande partie des représentants français ne sont pas arrivés à Paris dans des conditions optimales pour performer. Arthur Fils (36e), révélation de l’année, l’admettait volontiers après sa défaite contre Altmaier au premier tour (6-2, 6-4) : « Je suis trop cuit, je n’ai plus rien à donner ». Après une première saison au plus haut niveau grandiose, le joueur de 19 ans (important de le rappeler) est arrivé au bout de ses forces, face à un Daniel Altmaier qui en a profité.

Arthur Fils durant sa défaite contre Daniel Altmaier (6-2, 6-4) (© REUTERS/Stephanie Lecocq)

Il paraît aussi difficile de continuer à mettre tous les espoirs du tennis français dans un tournoi sur le dos de joueurs dans la trentaine bien avancée. Richard Gasquet (37 ans, 68e) aura fait rêver le public face à Tommy Paul avant de s’incliner au bout du suspense (6-0, 2-6, 6-7). Même histoire pour Gaël Monfils (37 ans, 79e), encore en quête de son meilleur niveau malgré son récent titre à Stockholm, et qui a perdu face à Francisco Cerundolo (6-4, 6-7, 5-7). Des défaites qui s’expliquent par à la fois un déficit physique pour des joueurs en fin de parcours face à de jeunes joueurs, et par le fait que nos deux Mousquetaires ne sont plus nécessairement capables de performer aussi haut qu’auparavant. Face à eux, Tommy Paul et Francisco Cerundolo sont respectivement 12e et 21e mondial. Pour des joueurs qui ont déjà tant fait rêver au cours de leur carrière, comment légitimement attendre d’eux qu’ils battent à chaque fois les tout meilleurs joueurs du monde ? Ils sont encore parmi les Français les plus en vue du circuit, difficile de leur en vouloir de s’incliner contre plus fort qu’eux.

Pour ce qui est du reste des représentants, les éliminations sont quelque peu logique. Après six très bons premiers mois, Luca Van Assche, qui était invité, a connu une baisse de régime en 2023, confirmée par sa défaite contre Djere (6-7, 6-4, 6-4). Moins en vue qu’Arthur Fils sur l’année, Van Assche a tout de même énormément progressé avec des victoires de prestige (Wawrinka, Humbert), mais lui aussi a encore besoin de temps pour encaisser physiquement une telle saison. Eux aussi invités, Alexandre Müller et Benjamin Bonzi se sont logiquement inclinés. Müller face à Safiullin en deux sets (7-6, 6-3), qui a ensuite éliminé Carlos Alcaraz, et Benjamin Bonzi face au lucky loser Lajovic (7-5, 6-3). Une défaite plus surprenante pour Bonzi, mais Lajovic est loin d’être un tirage simple. Au premier tour, pour parler de vraie déception, il fallait regarder du côté d’Adrian Mannarino, défait par un Van De Zanchlup pas hauteur d’une bonne saison, mais qui reste un poison, peut en témoigner Tommy Paul qu’il a défait au second tour.

Des signes d’espoir pour l’an prochain

Une édition en demi-teinte niveau résultats, mais qui a fait émerger de beaux signes d’espoir pour la suite. À commencer par Ugo Humbert, défait par Alexander Zverev, qualifié aux ATP Finals, au deuxième tour. Dans le dur en début d’année, le numéro un français, qui a atteint lundi son meilleur classement en carrière (23e), est bien revenu et semble prêt à se hisser au niveau qui est réellement le sien et qui lui est promis. À 25 ans, le Français va entrer dans la fleur de l’âge, et devrait, enfin, pouvoir montrer tout ce dont il est capable. Le moment est en tout cas idéal pour se placer en leader de cette nouvelle génération du tennis français, pour passer un cap et se hisser parmi le gratin du tennis mondial.

Car c’est bien de cela dont il est question, et ses récentes victoires face à Andrey Rublev et Stefanos Tsitsipas en sont la preuve : Ugo Humbert en est capable. Il est aussi trop facile de blâmer la performance de jeunes joueurs comme Fils ou Van Assche, qui ont connu leur première saison sur le circuit ATP, ont accumulé de la fatigue, mais ont aussi montré tout leur talent au cours de cette année 2023. L’avenir est radieux pour ces deux-là, et ils seront, dans un futur proche, des têtes d’affiche des plus grands tournois du monde. La Fédération française de tennis a aussi fait le choix de ne pas exposer certains joueurs via la distribution des invitations à Bercy, mais des joueurs comme Giovanni Mpetshi Perricard, Terence Atmane ou Hugo Gaston seront aussi des protagonistes du tennis français l’an prochain. Sans parler de la possible venue de Gabriel Debru, vainqueur de Roland Garros junior en 2022, sur le circuit principal en 2024.

Ugo Humbert après sa victoire au premier tour du Masters de Bercy contre Marcos Giron (6-4, 6-3) (© Chryslene Caillaud / Panoramic)

Entre le retour en grâce de certains vétérans, l’éclosion des nouveaux talents du tennis français, la saison 2024 a de quoi donner envie, avec la motivation supplémentaire d’aller se qualifier pour les Jeux Olympiques 2024 de Paris. Depuis la fin de Roland Garros, la course est lancée pour la qualification, et parmi les 64 qualifiés dans le tableau, chaque nation ne peut avoir que 4 représentants. À l’heure actuelle, sept Français figurent dans le top 64 de la Race JO. La compétition s’annonce féroce, mais pour que les Bleus du tennis performent dans les grands tournois, c’est dans les plus petits événements qu’il faudra se montrer, pour aussi profiter de tirages favorables en Grand Chelem ou en Masters 1000. Il est possible d’avoir l’impression que les Français peinent dans les grands événements, mais ils sont en pleine remontée au classement, et il ne faut pas oublier que cela prend du temps. Ils sont cinq dans le top 70 ATP, mais sept dans le top 60 Race JO. Cela prend du temps, mais le tennis français monte en puissance, et engrange des points et des trophées dans les tournois un peu moins prestigieux. De quoi bien préparer le terrain pour les grands tournois. Ce Masters de Bercy peut être vu comme un échec, mais c’est tellement plus facile de le considérer ainsi que prendre en compte tout ce qui l’entoure et les progrès qui ont été réalisés en 2023. L’avenir est beau pour le tennis français, encore un peu de patience et cela devrait se vérifier.

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Corentin Delorme

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