Quintuple championne du monde, championne olympique, détentrice de neufs globes de cristal (dont trois gros), Perrine Laffont est la skieuse la plus titrée de l’histoire en ski de bosses. Pourtant, la Française va faire l’impasse sur la Coupe du monde 2023-2024, souhaitant s’éloigner un temps de la compétition, et continuer à se soigner, mentalement parlant.
Se retrouver sur le devant de la scène de son sport à seulement 15 ans, peu d’athlètes peuvent témoigner de l’avoir vécu. Convoqué à 17 ans en équipe de France, Warren Zaïre-Emery peut faire figure de petit joueur à côté de Perrine Laffont, qui a disputé ses premiers Jeux Olympiques à Sotchi en 2014, alors qu’elle n’avait que 15 ans. Voilà qui pose le calibre de cette championne.
Réussir à se retrouver
Perrine Laffont a soufflé sa 25e bougie le 28 octobre dernier, et pourtant cela fait déjà 10 ans qu’elle côtoie les sommets de sa discipline et s’est imposée comme la meilleure skieuse de bosses du monde. Seulement voilà, la vie d’athlète de haut niveau n’est jamais simple lorsque l’on est très performant. Encore plus lorsque l’on est la seule star nationale d’une discipline méconnue et sous-médiatisée, qui se retrouve sous le feu des projecteurs au moindre exploit. Et comme Perrine Laffont est une férue d’exploits…

Actuelle détentrice du gros globe de cristal des bosses et du petit globe de cristal des bosses parallèles, l’Ariégeoise a décidé de ne pas défendre ses titres cette saison. En conférence de presse, Perrine a expliqué « privilégier les objectifs sur le long terme », et avancé qu’elle avait « plus besoin de passer du temps à l’entraînement ». Elle explique également qu’elle veut « une plus longue partie de récupération ». En ligne de mire, la Française a les Championnats du monde de 2025, mais elle a aussi et surtout les JO d’hiver de Milan en 2026 en tête, elle qui avait fini 4e à Pékin en 2022. Un moment qui a été l’un des déclencheurs de la descente aux enfers que la skieuse a vécu ces dernières années.
Laisser les blessures cicatriser
Après sa désillusion personnelle aux JO, au cours desquels elle n’avait donc pas réussi à défendre son titre acquis en 2018 et terminé 4e, Perrine Laffont a subi une vague de harcèlement sur les réseaux sociaux, qu’elle a dénoncé à l’époque dans un entretien accordé à L’Équipe. « 4e, qu’on se le dise c’est de la merde », « De toute façon, tu n’as aucun mental », « petite merdeuse », « tu n’as rien à faire là ». Voilà un florilège des commentaires qu’elle a pu recevoir sur les réseaux suite aux JO, face auxquels elle s’est retrouvée désemparée : « C’est de l’incompréhension. […] Ça devient du harcèlement ».

Après des années au top, la Française a ressenti l’envie de vouloir « créer le manque ». Plus récemment, dans le documentaire « STRoNG : aussi forts que fragiles », Perrine s’est confiée sur la nouvelle dimension dans laquelle elle est entrée après son titre olympique en 2018, la pression qui a suivi, et l’enfer qu’elle a dû traverser ensuite. La skieuse n’hésite pas à parler de dépression, qu’elle a soignée, mais pour laquelle elle est encore en rémission. Sujet central des dernières années, la santé mentale des athlètes fait son retour dans le débat suite à cette annonce de Perrine Laffont, qui prend son temps pour revenir à la compétition et se soigner plutôt que se précipiter. À l’image de Simone Biles, Naomi Osaka ou Caleb Dressel, de plus en plus d’athlètes font des pauses pendant leur carrière pour prendre le temps d’aller mieux mentalement parlant.
La question du mental prend de plus en plus de place dans l’espace médiatique mais aussi dans la préparation des sportifs de haut niveau. Un aspect essentiel dans la vie d’un sportif qui, s’il concourt dans les plus hautes sphères du football mondial, doit pouvoir être prêt mentalement, se préparer à la pression médiatique, du public, être en mesure de se protéger. Tant d’aspects qui ont été négligé dans de nombreux sports depuis des années et qui n’émergent que maintenant, alors que la parole se libère chez les plus grands champions, à l’image du documentaire « Silence, je tombe… », réalisé par beIN Sports, dans lequel quatre champions se confient sur la dépression qu’ils ont traversé pendant leur carrière. Ce forfait, au-delà de son effet médiatique, revêt une importance capitale. C’est une façon d’encourager les athlètes à mettre leur santé avant leur carrière, et de penser à eux avant de penser à la gloire. Tout athlète veut viser les sommets, battre des records, c’est dans l’ordre des choses, mais à force de vouloir aller toujours plus haut, nombreux sont ceux se brûlent les ailes. Perrine Laffont l’a vécu et l’a bien compris, et elle rappelle à tout le monde qu’il vaut mieux patienter un peu pour revenir plus fort, que dire adieu à toutes ces émotions que le sport peut procurer parce que l’envie de tutoyer les sommets aura été plus forte.






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