Ce dimanche 15 juin 2025, lors de la dernière étape de ce Critérium du Dauphiné, le cyclisme français dit au revoir à l’un de ses plus grands coureurs : Romain Bardet. Le grimpeur auvergnat met un terme à son immense carrière à l’arrivée de la 8e étape à Val Cenis. Avec une carrière riche en succès comme en désillusions, Bardet a incarné l’image du cyclisme français durant une dizaine d’années. Sa silhouette élégante, son style offensif, sa manière saccadée de grimper, ont marqué les esprits. Cette dernière danse est donc l’occasion de revenir sur les cinq moments charnières d’un coureur désormais dans la légende.

La naissance d’une star à la française

La genèse de la carrière de Romain Bardet débute dans les catégories jeunes, à Roanne puis à Chambéry, où il enchaîne les bons résultats. Il est repéré par Gilles Mas, directeur sportif de l’une des équipes phares du World Tour : AG2R La Mondiale. Romain signe son premier contrat professionnel avec la formation française en 2012, ce qui lui ouvre les portes du haut niveau.

Après une première saison où il se démarque par des échappées et des attaques dans le peloton, à seulement 22 ans, il prend réellement de l’envergure dans le paysage cycliste en 2013. En effet, sa deuxième saison est celle de l’éclosion, avec une première participation au Tour de France, où il multiplie les échappées et les titres de plus combatif de l’étape. Le public découvre un coureur sincère, généreux dans l’effort, qui sent la course plus qu’il ne la calcule. Il obtient un rôle de véritable électron libre au sein de l’équipe, et pas seulement celui d’équipier du leader Jean-Christophe Péraud. La France tient alors peut-être sa future pépite, son grand grimpeur pour assurer la relève et faire lever les foules.

Il gagne d’ailleurs cette année-là son premier succès professionnel sur le Tour de l’Ain. La carrière de l’Auvergnat est lancée, et il confirme l’année suivante, en étant pour la première fois nommé leader de son équipe sur Paris-Nice, en s’affirmant comme le grimpeur français numéro 1 avec une très prometteuse 6e place. Cette même année, il porte le maillot blanc de meilleur jeune sur le Tour de France 2014 durant six étapes. En fin de saison, AG2R lui renouvelle sa confiance et le prolonge jusqu’en 2018 : le petit prodige de Brioude est prêt à crever l’écran et à s’attaquer aux plus grands.

Romain Bardet s’est révélé sur le Tour de l’Avenir en 2011
©-Nicolas Gachet

Bardet et le Tour de France : Une grande histoire d’amour

Maintenant qu’il a ce rôle de leader d’équipe, « Rominou », comme le surnomment les supporters au bord des routes, n’a qu’un seul objectif : réussir à domicile, sur le Tour de France ! Sa première victoire a lieu lors de la 18e étape du Tour 2015, à Saint-Jean-de-Maurienne, où, comme un coureur expérimenté, il s’échappe dans les lacets de Montvernier pour s’imposer en solitaire devant son compatriote Pierre Rolland, après une descente parfaitement maîtrisée. Ce jour-là, la France redécouvre la sensation de vibrer pour l’un des siens. Un gamin du Massif central qui fait lever les foules sur les routes de juillet.

Mais son plus grand succès vient à Peyragudes en 2017. Le 13 juillet, il s’impose en force au sommet de l’altiport devant tous les cadors (Froome, Aru, Quintana…) et remporte là sa plus belle victoire sur un Grand Tour, devenant, si ce n’était pas déjà le cas, le chouchou des Français. Il ne remporte pas seulement une étape, il gagne le cœur du peuple tricolore. Le pays commence à rêver d’un nouveau vainqueur du Tour…

L’Auvergnat atteint le Graal durant sa dernière participation en carrière, en 2024. Lors de la première étape en Italie, il attaque très loin de l’arrivée et part dans un numéro avec son coéquipier Frank Van Den Broek. Résistant au peloton, il remporte l’étape devant un public en folie. Plus de 2000 ans après Jules César, un Romain arrive en vainqueur à Rimini. Il fait surtout coup double en endossant le maillot jaune, son premier en carrière. Comme si le destin avait attendu ce moment précis pour lui offrir ce qu’il méritait tant. La boucle est bouclée : il ne remportera jamais le Tour de France, mais porte ce maillot le temps d’une journée, comme un cadeau d’adieu.

Durant sa carrière, il remporte en tout quatre étapes sur le Tour de France, et ramène le maillot à pois de meilleur grimpeur sur les Champs-Élysées en 2019. Bardet a cette capacité que peu de coureurs possèdent : la résilience. Même lorsqu’il n’est pas dominant au classement général, il se distingue ailleurs, tente jusqu’à la dernière étape, repousse l’abandon et la résignation. Un panache qui a marqué toute une génération de suiveur.

Romain Bardet, premier maillot jaune de l’édition 2024 du Tour de France
©-REUTERS/Molly Darlington

Bardet : L’éternel second

Cependant, la carrière de Romain Bardet n’est pas faite que de succès et de maillots distinctifs, puisqu’elle est aussi marquée par de grandes désillusions. Le natif de Brioude n’est jamais passé loin de victoires sur des monuments et aux championnats du monde, mais la chance, le destin ou les jambes ne l’ont jamais tout à fait couronné.

En 2018, il termine 2e des Strade Bianche derrière Tiesj Benoot, 3e de Liège-Bastogne-Liège, et conclut sa saison par une seconde place aux championnats du monde en Autriche. Cette saison est placée sous le signe de la frustration. Bardet montre qu’il est capable de se battre pour la victoire, sans réussir à franchir le dernier palier.

L’éternel second récidive sur Liège-Bastogne-Liège en 2024, où il prend une nouvelle fois une valeureuse deuxième place, derrière l’indéboulonnable Tadej Pogačar. Cette campagne des Ardennaises1 confirme sa régularité au plus haut niveau.

Le palmarès de Bardet est donc garni d’argent et de bronze, mais trop rarement d’or. Il s’est toujours frotté aux plus forts, ce qui l’a empêché de ramener des classements généraux de courses par étapes (2e du Dauphiné et du Tour de France en 2016 notamment). Pourtant, l’essentiel est ailleurs : dans le regard de ceux qui l’ont vu se battre, dans les cris d’un col, dans les rêves qu’il a su éveiller chez les jeunes cyclistes. A la manière d’un Raymond Poulidor pour les générations précédentes, la France s’est vue apprécier un coureur qui ne gagne que très peu, mais qui nous donne envie d’y croire.

Romain Bardet devancé par l’espagnol Alejandro Valverde sur les Championnats du Monde d’Insbruck en 2018
©-AFP/Christof Stache

Une fin de carrière en demi-teinte

En août 2020, après neuf années passées au sein de la formation française, Romain Bardet quitte AG2R la Mondiale pour rejoindre le Team DSM. C’est une page qui se tourne, une famille qu’il quitte. Après une saison blanche marquée par un abandon sur le Tour de France, l’Auvergnat décide de quitter l’équipe qui l’avait lancé dans le monde professionnel. À 30 ans, il cherche un nouveau défi, loin de la pression et du premier plan. Son choix se porte sur la formation néerlandaise, quittant ainsi ceux qui lui ont tout appris.

Ce dernier chapitre de sa carrière est marqué par des résultats en deçà de ses plus belles années, mais il réalise tout de même des performances remarquables pour un coureur d’une trentaine d’années : il termine dans le Top 10 du classement général du Giro en 2021, puis du Tour de France en 2022, et s’impose sur la 14e étape de la Vuelta en 2021. Il n’est plus l’étoile montante, mais continue d’éclairer, à sa façon, avec son panache, son sourire et cette détermination qui lui est cher. Il rend aux supporters tout ce qu’ils lui ont apportés durant ces kilomètres au bord des routes. Il veut finir avec l’honneur et la fierté.

Malheureusement pour lui, il enchaîne les malchances et les chutes, ce qui le pousse à annoncer le 13 juin 2024 sa retraite pour la saison suivante, laissant derrière lui une vraie légende du cyclisme français. Comme si le sort avait décidé de le pousser vers la sortie, car lui n’aurait pas pu prendre cette décision si dure et si forte en sens pour tant de monde.

Romain Bardet abandonne lors du Tour de France 2023 après une grosse chute et une commotion cérébrale
©-MARCO BERTORELLO / AFP

Un dernier baroud d’honneur sur le Critérium du Dauphiné

Après avoir annoncé en juin 2024 qu’il mettrait un terme à sa carrière après le Critérium du Dauphiné 2025, tout le monde a pris rendez-vous à Domérat le 8 juin 2025, pour le départ de la dernière course par étapes de l’Auvergnat. Les Français ne sont pas là pour voir une victoire du natif de Brioude, mais pour dire au revoir, pour être là et l’accompagner.

Et tout au long de cette course de huit étapes, Romain Bardet a offert au public français un spectacle dont lui seul a le secret. Il place d’abord une attaque lors de la première étape dans la dernière côte du jour, mais est repris à quelques kilomètres de la ligne après une échappée solitaire. Après une seconde étape destinée aux sprinters, il est accueilli en superstar à Brioude, sa ville natale, départ de la 3e étape. Un moment suspendu dans le temps. Les rues sont pleines, les sourires nostalgiques. C’est plus qu’un départ d’étape : c’est un retour à la maison.

Cette dernière course a des allures de jubilé pour le grimpeur français, néanmoins il compte bien jouer sa carte jusqu’au bout : il retourne donc à l’avant dans des échappées. D’abord lors de l’étape 5, où il ne prend pas le bon coup et reste dans le peloton, puis lors des étapes 6 et 7, plus adaptées à son profil. Il se montre à l’avant, et reste même le dernier survivant de l’échappée lors de l’avant-dernière étape, avant d’être repris par les favoris. Il est récompensé du titre de plus combatif de l’étape sur le podium, qu’il partage avec son père, comme un symbole.

Il termine en ce 15 Juin 2025 sa carrière lors de cette étape à Val-Cenis, où une page du cyclisme français se tourne. Le natif de Brioude peut se permettre de partir sans regret, en ayant le sentiment du devoir bien fait. L’avenir du cyclisme français s’annonce quant à lui radieux, car la relève, à l’image de Lenny Martinez et du très jeune Paul Seixas, se montre déjà aux côtés des plus grands.

Romain Bardet s’en va, mais laisse derrière lui plus que quelques lignes sur un palmarès. Une trace, un souvenir, une empreinte. Il laisse tout simplement, sa légende.

  1. Courses faites pour les puncheurs ↩︎

Gabin Rolland

©-AFP / Thomas Samson

Une réponse à « Romain Bardet fait ses adieux au peloton : retour sur les 5 moments forts d’une carrière d’exception »

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