Les Championnats du monde de cyclisme sur route se tiennent du 21 au 28 septembre à Kigali, la capitale du Rwanda. Le Graal du cyclisme international s’affronte pour la première fois en terre africaine dans l’espoir de décrocher la fameuse tunique arc-en-ciel. Seulement, plus que l’intérêt sportif, cet événement reflète une opportunité éminemment politique.
Un investissement massif dans le sport
L’organisation de ces Championnats du monde sur route au Rwanda s’inscrit dans la continuité de la politique de Paul Kagamé. Depuis son arrivé au pouvoir en 2000, le président rwandais a fait du sport la vitrine de son pays. A commencer par des investissements massifs dans le football avec l’organisme « Visit Rwanda », chargé de la promotion du pays. Ce slogan s’affiche fièrement sur les maillots des clubs les plus huppés d’Europe : Arsenal, le Paris Saint-Germain, l’Atlético Madrid et le Bayern de Munich. Stratégie payante puisque le pays a vu son nombre de touristes tripler ces dernières années.

© – Justin Tallis/AFP
Kigali accueille également la Ligue Africaine de basket, grâce à un partenariat avec la NBA. De plus, le Tour du Rwanda est devenu l’attraction majeure du cyclisme africain, en rejoignant l’UCI Africa Tour en 2009.
A peine les championnats du monde de cyclisme sur route lui étaient attribués, que Paul Kagamé était déjà tourné vers une autre discipline sportive qui a le vent en poupe : la Formule 1. Il a lui-même confirmé devant l’assemblée générale de la Fédération internationale du sport automobile (FIA), réunie à Kigali en décembre 2024 : « le Rwanda se porte candidat pour ramener le frisson de la course automobile en Afrique, en accueillant un Grand Prix de Formule 1. »
Un décor « carte postale »…
Depuis une semaine, le gratin du cyclisme international traverse un paysage de carte postale : collines verdoyantes, ruelles pavées… Mais également hôtel de luxe, golf, stade flambant neuf (où a eu lieu le départ du contre-la-montre) ou encore le Palais des Congrès.
© – Getty – Bob Krist
En effet, le pays dit « des mille collines » a intérêt à faire bonne impression : entre 300 et 350 millions de téléspectateurs, répartis dans 124 pays, ont regardé la dernière édition à Zurich (Suisse), selon les chiffres de l’Union Cycliste Internationale (UCI).
Une magnifique opportunité pour le pays de faire peau neuve et d’enfin se détacher du spectre du génocide des Tutsi, en 1994, qui avait ravagé le pays.
… pour éclipser la réalité ?
Mais à seulement 200 km des somptueux paysages de Kigali, un tout autre décor se dresse chez le pays voisin, la République démocratique du Congo (RDC). Paul Kagamé, réélu en 2024 avec 99 % des voix pour un quatrième mandat consécutif, est accusé de soutenir militairement les rebelles du 23-mars (M23). Ce groupe paramilitaire, a pris possession de plusieurs villes comme Goma, dans la région de Nord-Kivu en RDC, convoitée pour ses ressources minières.
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© – AMANUEL SILESHI / AFP
Un rapport de l’ONU, publié en septembre, évoque « des actes pouvant constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité » dans le Nord-Kivu, et accuse les rebelles du M23 de « violences sexuelles de manière systématique et généralisée. »
Dans une résolution datant de février, le Parlement européen a demandé à l’UCI l’annulation des Mondiaux au Rwanda. Le président de l’UCI, David Lappartient, estime quant à lui que les « conditions sont remplies pour que ces championnats du monde se déroulent. »
De nombreuses ONG de défense des droits de l’homme dénonce le « sportwashing » du président rwandais. Et récemment, les supporters du Bayern Munich ont protesté contre le partenariat liant leur équipe avec « Visit Rwanda ». « Quiconque regarde avec indifférence trahit les valeurs du Bayern », pouvait-on lire sur une banderole dans l’Allianz Arena, le stade du Bayern Munich. Les supporters ont obtenu gain de cause : le partenariat a été revu à la baisse, excluant notamment la promotion touristique.

© – Harry Langer/DeFodi Images/IMAGO
Aujourd’hui, aura lieu le Championnat du monde homme, et espérons que les coups de pédales de Tadej Pogacar et sa bande n’éclipseront pas les coups de feux et la réalité en RDC.
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