Champions du monde en titre, Erwan Fischer et Clément Pequin arrivent aux Jeux Olympiques avec la casquette de favoris en 49er, dériveur monocoque. Passés par des années de galères avec de mutiples blessures, mais aussi des victoires éclatantes, une médaille à Marseille serait la consécration ultime pour les deux hommes. Erwan Fischer nous raconte son parcours à 4 mois de la plus grande compétition de sa vie.

Je suis né à Saint-Nazaire et on est une fratrie de 5 frères, dont 3 frères qui font vraiment de la voile. Moi je faisais du rugby avant, donc je faisais bande à part dans les discussions. En CM1/CM2, on a l’opportunité de faire une initiation voile organisée par l’école.  J’ai commencé par l’Optimiste, petit bateau solitaire, je n’ai pas beaucoup aimé. Je suis donc retourné au rugby mais après on m’a proposé, à l’âge de 12 ans, de faire du double, et j’ai basculé en voile.

En 2008, j’ai été champion de France et vice-champion d’Europe en équipe. Ça m’a permis de rentrer directement en sport études au lycée Grand-Terre à La Baule. Et là, d’avoir 2 soirées de préparation physique et 4 jours de voile par semaine. Après le lycée, j’ai fait un diplôme d’état en voile, en alternance, pendant deux ans, et j’ai mis un peu de côté la voile.

En voile, pour faire simple, il y a deux grosses branches qui divergent, c’est la voile olympique, ce que nous faisons, et la course au large (le Vendée Globe, etc). Dans la voile olympique, il y a 10 catégories comme la planche à voile, le kitesurf, le catamaran, et les bateaux dériveurs.

Avec Clément, nous sommes issus de la filiale dériveurs (des petits bateaux avec une seule coque). On a tous les deux étés champions de France en 29er pour moi t 420 pour Clément en 2010. La Fédération Française de voile avait organisé un regroupement de tous les champions de France pour créer une cohésion. Clément fait 1m96 pour 88-90 kg, il a donc abandonné le 420 pour passer sur le 49er. On a fait quelques années l’un contre l’autre et on a décidé de s’associer en 2018 pour un projet olympique.

Tu parles d’équipiers, barreurs, peux-tu rappeler vos différents rôles ?

Le rôle de Clément, c’est le rôle d’équipier, celui qui est à l’avant du bateau, qui va gérer l’ouverture et la fermeture des voiles, c’est un rôle assez physique puisque c’est lui qui va monter et descendre les voiles, sortir à l’extérieur du bateau pour faire contrepoids. C’est lui qui va avoir la charge de la cellule vitesse du bateau.

Quant à moi, je suis à l’arrière, je suis le barreur du bateau, c’est moi qui vais diriger le bateau, et je vais avoir aussi le rôle de stratège : quand est-ce qu’on vire, quand est-ce qu’on empanne, quand est-ce qu’on envoie les voiles. Je suis un peu le métronome du bateau mais après celui qui « fait les gros bras » c’est plutôt Clément.

Erwan Fischer, au second plan, s’occupe de la direction du bateau tandis que Clément Péquin, au premier plan, est en charge de la vitesse de l’embarcation.
© – Fédération Française de Voile/X

Quel est votre relation au quotidien ?

On est à peu près entre 200 et 250 jours par an sur l’eau, et le reste du temps, on a tous les autres aspects de la performance, la préparation physique, la préparation mentale, la recherche de sponsors et puis aussi de fidéliser les partenaires qui nous soutiennent, les rencontrer, échanger, partager notre aventure. C’est vrai qu’on dit souvent qu’on passe plus de temps ensemble qu’avec nos copines, car ce sont des projets qui prennent énormément de temps, mais c’est comme dans tous les sports.

Vous n’êtes pas qualifiés pour les jeux de Tokyo, comment vous avez aborder la suite ?

Malheureusement on finit deuxième de la qualification et nous sommes donc remplaçants pour les Jeux de Tokyo. Juste après la période des Jeux, on s’est recentré sur notre équipage. Notre objectif était de se qualifier pour Paris 2024. On a fait appel à un préparateur mental, et qui nous a permis de rentrer un peu plus en interne sur nous, comment on se sentait personnellement, comment on voyait la performance. Et puis après mettre tout ça en commun, développer la confiance qu’on avait l’un envers l’autre.

Comment vous avez géré les multiples blessures de Clément ?

Clément a eu pas mal de blessures car il a un assez grand gabarit pour la voile où on est quasiment toujours debout à l’extérieur du bateau avec beaucoup de sollicitations.

Il a du se faire opérer du genou et après il a eu une petite infection, et au lieu que ça dure 2-3 mois, ça a duré quasiment 6 mois. Mais en 2022, on fait une très belle saison, on gagne une étape de coupe du monde à Palma, une première française en 49er français depuis 2012. Et l’année juste après, 2023, Clément se re-blesse en janvier, avec une luxation du ménisque qui a duré quasiment 4 mois.

Clément revient pour le Test Event, tu as marqué sur Twitter « Qu’une étape vers notre objectif, mais quel plaisir après une année commencée par une blessure pour Clem ». C’était un soulagement, un déclic ?

On avait un peu d’appréhension parce qu’à la reprise de Clément on ne savait pas si on était dans le coup, il n’avait pas repris à 100%. Mais on avait tellement de plaisir à se retrouver ensemble. Clément avait la niaque, puisque pour lui c’était la première étape de sélection. C’était en tout cas beaucoup de plaisir et beaucoup de fierté, c’est un très beau souvenir.

Les deux hommes finissent 2èmes lors du Test Event en 2023, la répétition générale un an avant les Jeux Olympiques.
© – Fédération Française de Voile/X

Fin septembre, tu te fais renverser par une voiture, est-ce que tu te dis que c’est fini ?

Non je ne me dis pas que c’est fini. Un peu d’inquiétude et d’interrogation mais on attend juste le verdict, qu’est-ce que j’ai réellement, les délais, combien de temps ça va durer. J’habite à Lorient, il y a un centre de rééducation et franchement ils ont été top. Beaucoup de soutien, et puis ils savaient que j’avais potentiellement une chance de faire les Jeux.  Ces 3/4 mois de rééducation ont été très bénéfiques, ça m’a permis de faire d’autres choses aussi, d’avancer sur d’autres sujets.

Début mars, c’est la consécration, tu écris : « une semaine incroyable, osmose parfaite à bord, le chemin n’a pas été un long fleuve tranquille mais la passion et la détermination payent, quel bonheur ». C’était vraiment une fierté de pouvoir être les premiers français à gagner le championnat du monde ?

Gagner le champion du monde on s’en est vite rendu compte, mais c’était par la manière. Quand le triple champion du monde vient te voir, que tout le monde sur le parking te dit « je crois que ce n’est jamais arrivé une telle avance sur une épreuve ». En plus, c’était un championnat très complet, avec 16 courses. Finalement, ce sont les gens autour qui nous ont fait réaliser notre exploit historique pour la voile française en 49er.

Fischer (à droite) et Péquin (à gauche) sont les premiers Français champions du monde en 49er.
© – Fédération Française de Voile/X

Comment vont se passer les 3-4 mois qui arrivent pour vous ?

On a une étape de coupe du monde à Hyères et un championnat d’Europe en 49er mi-mai à la Grande-Motte. Après on va basculer directement à Marseille pour les deux mois restants de préparation pour être en forme en juillet. C’est vrai que c’est un avantage pour nous, Français, car ça fait des années qu’on s’entraîne là-bas.

Quel est votre objectif pour les Jeux ?

L’objectif c’est l’or forcément, ou une médaille déjà. Il peut se passer plein de choses mais nous, c’est sûr qu’on arrive avec la casquette de favoris. On est champions du monde en titre. On aura le public avec nous. On va être porté par les Français et j’espère que ça va nous faire pousser des ailes. En tout cas, forcément l’objectif est d’y aller pour décrocher une médaille.

Eliott Caillot

© – Fédération Française de Voile/X

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